mardi 25 septembre 2012

Les Frites ont retrouvé leur mayonnaise


Voilà plus de deux mois que nous sommes rentrés en Belgique. Il est donc grand temps de clôturer notre chapitre canadien et par la même occasion ce blog.
Si nous sommes revenus, c’est que, forcément,  certains aspects du Québec ne nous plaisaient pas. Ceci étant, il a fallu bien réfléchir car les côtés positifs n’étaient pas négligeables. Nous avions deux solutions ; rentrer ou continuer l’aventure en British Columbia, sur la côte Pacifique.
Vivre au sein d’une société différente est une aventure quotidienne faite de rencontres, de découvertes, de bonnes et de mauvaises expériences mais, ce qui a finalement emporté la décision est que, en Belgique, nous avions une vie sportive et sociale bien remplie et  surtout que nos amis nous manquaient.
Ci-dessous, nous avons tenté de donner quelques exemples de ce qui, à nos yeux, avait de l’importance ; nous y évoquons les côtés positifs et négatifs du Québec.
Le retour n’est en aucun cas un échec et ne pas tenter cette aventure aurait été une erreur.


Ce qui ne nous plaisait pas

La mentalité québécoise : Peut-être est-ce dû  à leur isolement linguistique mais nous avons eu l’impression de vivre dans une société repliée sur elle-même. Beaucoup de québécois ne parlent pas l’anglais et ne manifestent pas un intérêt débordant pour tout ce qui se passe hors des frontières de la Belle Province. Dans la vie courante nous avons constaté que les gens sont très individualistes et assez renfermés.
 Il est donc difficile de développer une vie sociale dans de telles conditions, sauf avec les étrangers… D’ailleurs pas mal de français ou de belges établis depuis plusieurs années là-bas nous ont avoué avoir peu d’amis québécois.

Les langues : Malgré le fait d’être entourés de trois cent millions d’anglophones, le niveau d’anglais est, excepté à Montréal, relativement faible ; beaucoup ne le parlent pas et peu font l’effort de l’apprendre. Un peu comme chez nous quoi… Dans notre région, en Estrie, il y a 23% d’anglophones et, eux par contre, parlent presque tous le français…
De Belgique ou de France, nous avons tendance à apporter notre soutien à ces « pauvres cousins francophones d’Amérique ». Hors, quand on est sur place, on se rend compte que le Québec est tout à fait autonome quant à l’usage des langues dans la province (Loi 101) et que les francophones d’autres provinces ont accès aux services des autorités fédérales dans leur langue. Par contre, au sein de la province, il y a une tendance à essayer d’occulter la présence historique anglophone en francisant les noms de certains villages par exemple.
Certains québécois se veulent les défenseurs de la langue française et reprochent aux français et belges d’employer trop d’anglicismes. Autant savoir qu’ils en emploient au moins autant que nous (mais pas les mêmes) et qu’ils ont même francisé des mots anglais, ce dont beaucoup ne se rendent pas compte à cause de leur faible connaissance de cette langue.
L’orthographe est une catastrophe, médias, magasins, publicités, etc.  On peut dénicher des fautes un peu partout. Recevoir un courriel, que ce soit d’une banque, d’un employeur ou d’une connaissance ferait le bonheur d’un prof de français adepte du bic rouge…

Les soins de santé : Certains vantent le système de santé québécois pour sa gratuité. C’est probablement son seul côté positif, et encore, certains frais ne sont pas remboursés (dentiste ou kiné par exemple). Temps d’attente extrêmement longs aux urgences, difficulté d’avoir accès à un médecin généraliste ou délais d’attente pour subir une opération sont autant d’atouts pour l’émergence d’une médecine à deux vitesses favorisant  ceux qui peuvent s’offrir les services de cliniques privées.

Le monde du travail : Contrairement aux idées reçues, votre expérience professionnelle n’aura aucune valeur si elle n’est pas québécoise et votre diplôme ne vaudra rien tant que vous n’aurez pas fait son équivalence. Nous savions que certains métiers étaient protégés par leur ordre respectif (médecin, ingénieur, kiné, enseignant). Ce qui veut dire que si un médecin étranger veut exercer, il lui faudra recommencer toutes ses études alors qu’il lui suffirait  juste d’une mise à niveau. Ce que nous ne savions pas, c’est que dans le domaine de la finance ou de la banque, il faut également  passer des certifications de toutes sortes avant de pouvoir conseiller ou même postuler au Québec. Ceci vaut également pour les Canadiens hors Québec, ce qui est plus aberrant.
Les Babyboomers prennent en ce moment leur retraite, c’est pourquoi le gouvernement organise des immigrations massives. Malgré tout, il faut compter, en moyenne, entre six mois et un an pour obtenir un job convenable. Délais qui peuvent s’avérer plus long hors des grandes villes que sont Montréal et Québec.
Les contrats écrits existent très rarement. Vous postulez pour un job mais il se peut que, In fine, vous ayez une autre position qui n’est pas nécessairement des plus avantageuses. Il est « normal » de réduire vos heures. Vous postulez pour un 40h/semaine et vous pouvez vous retrouver avec un 15h/semaine voir être en appel (réserve).  Si en Belgique on a été intérimaire, alors il n’y a aucune différence de système : salaire hebdomadaire, terminaison du « contrat » à tout moment (on peut vous demander le vendredi de ne plus revenir le lundi ou au mieux on vous donne deux semaines de préavis, même après des années de carrière). Le choix de travailler pour une compagnie plutôt qu’une autre, pourra être déterminé par  les avantages extra-légaux proposés comme les assurances groupes comprenant idéalement les soins dentaires et un plan pension. Ce qui n’est pas négligeable.
Point important, les québécois ont encore moins de jours de congé que les américains : après un an, ils en auront 10...
Nous avons constaté, dans nos expériences professionnelles respectives (analyste financière, conseillère et vendeur spécialisé), que les employés peuvent râler sur la précarité de leur emploi ou la surcharge de travail mais ils n’iront jamais se plaindre auprès de leur supérieur (refus du conflit). Nous avons aussi constaté un manque de proactivité et de créativité. Ex : au lieu de demander à un informaticien de configurer une imprimante plus proche sur leur ordinateur, ils vont continuer à faire une centaine de mètres pour récupérer leur copie (sans exagérer). 

La politique : Le sujet qui fâche. En tant qu’étranger, on ne peut évidemment pas trop critiquer le système politique, c’est mal vu. Mais bon, il est désolant de voir à quel point la politique québécoise (du niveau municipal au niveau national) est soumise à des groupes d’influences qui orientent les décisions politiques par la collusion, voire la corruption, ce qui grève évidemment lourdement les budgets.
La grève estudiantine de cette année est un bel exemple du manque de respect du gouvernement pour ses administrés; refus du dialogue, actions judiciaires et campagnes dénigrantes à l’encontre de ces jeunes appelés à représenter l’avenir du Québec.
A l’heure d’écrire ces lignes les électeurs ont porté au pouvoir le Parti Québécois de Pauline Marois. Celle-ci a supprimé la hausse des frais de scolarité et abrogé la loi spéciale prise à l’encontre des étudiants. La fermeture de l’unique centrale nucléaire a également été décidée ainsi que le refus d’exploiter le gaz de schiste (très polluant). C’est un bon début et nous espérons voir là un signe annonciateur d’une politique plus efficace et plus respectueuse.

Ce qui nous plaisait 

Le climat : Des étés chauds et ensoleillés, des hivers froids et enneigés, des automnes colorés et des printemps un peu courts… car l’hiver peut s’incruster longtemps. Beaucoup nous avaient mis en garde à propos de la rigueur hivernale mais nous avons aimé nos balades par -20°, nos journées de ski ou même l’un ou l’autre jogging dans la poudreuse. Même les côtés moins ludiques comme le déneigement de la voiture, le dégagement de l’accès à notre maison ou le temps passé à s’habiller avant chaque sortie ne nous gênaient pas.

Notre environnement :  Magog est une petite ville touristique très agréable au cœur d’une région vallonnée. Le lac Memphremagog nous accueillait pour nos baignades estivales et pour nos promenades hivernales. Le Parc National du Mont Orford était notre terrain de jeu favori ; ski et raquette en hiver, course à pied et vélo en été, balades toute l’année.
Nous vivions près des Etas Unis, ce qui nous permettait de changer de monde en quelques minutes.

Calme : Les québécois n’aiment pas le conflit. Les gens ne râlent pas dans les files d’attente ou ne s’offusquent pas de devoir attendre 9h aux urgences.
Aussi, même s’ils ne roulent pas toujours très bien, circuler en voiture est beaucoup plus agréable qu’en Belgique ; pas de coups de klaxon et pas d’agressivité. Mais on ne va quand même pas aller jusqu’à affirmer qu’ils sont courtois. D’ailleurs on s’en rend vite compte car en tant que cycliste on représente plutôt un intrus en ville et même en dehors.
Bien sûr, le revers de la médaille est que, ce refus du conflit peut engendrer des comportements hypocrites ou médisants ; nous avons pu remarquer dans nos emplois respectifs que sourire devant quelqu’un et le dénigrer dans son dos est extrêmement courant

L’entreprenariat : Créer une société ou devenir travailleur autonome est d’une grande simplicité et peu onéreux. Comme les seuls impôts sont payés en fin d’année, il y a moins de risque de se trouvé étranglé financièrement qu’en Belgique.

Didier et Angélique

8 commentaires:

  1. Merci pour votre bilan et bonne chance pour la suite.
    Je « fête » mes 4 ans au Québec demain mais je vous rejoins beaucoup sur pas mal de points...
    @+

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonne fête Thierry! Et bravo pour tes 4 ans.Bientôt canadien alors?
      Nous, on recommence tout en Belgique - et on retrouve de vieux réflexes et les difficultés que peuvent rencontrer les étrangers pour l'installation nous sont plus marquantes. Il faut être des inititiés pour comprendre le système de la société belge.

      Supprimer
    2. Merci. Canadien ? Pas avant l'été prochain je pense (les délais se sont encore allongés). J'en parle justement dans mon petit article d'hier. ;)
      Bonne suite.

      Supprimer
  2. Beau bilan qui mériterait d'être sur immigré.com.pour ouvrir les yeux à quelques personnes dont j'ai fait partie
    Je me suis moi rendu compte moi au bout de quelques semaines que je n'étais pas chez moi et que la gentillesse "commerciale" que l'on voit partout au Québec n'est pas toujours la réalité. C'est Laurent Ruquier qui disait l'autre jour sur Europe 1 qu'il préférait le serveur parisien qui fait la gueule aux serveurs québécois et américains très souriants mais qui sont en réalité très hypocrites.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il est vrai que peu de gens vont avouer leur difficulté d'intégration de peur d'être mal perçu. Peu de gens comprennent ce retour. Parfois, je doute de ce choix et je dois me ressouvenir des raisons :
      1ere raison: pas envie d'essayer constamment de ne pas me faire arnaquer - nous pensions les Québécois honnêtes et comme l'un d'eux nous le disait: "si on peut t'entuber, on t'entube"
      2eme raison: l'exploitation, le non respect des droits des travailleurs, la précarité des contrats...
      Mais je regrette les grands espaces, mes deux très bonnes copines, la luminosité et la sensation de liberté.
      Oui, avec le temps on s'y serait fait mais jusque quand?

      Supprimer
    2. Vous savez, Angélique, les grands espaces, c'est bien beau... mais il faut avoir du temps pour y accéder. Les distances sont grandes ici. Pour aller en Gaspésie, eh bien il a fallu attendre que nous prenions des vacances. Aller dans Charlevoix, lorsqu'on habite Montréal ? Il faut avoir un bon congé ou encore y aller lorsqu'on est en vacances. En plus, il faut toujours payer pour tout.

      Je travaille depuis 38 ans et j'en ai payé des impôts et j'en paie encore ! Mais pour ce qui est des services qu'on m'offre en retour, eh bien je les cherche. Nous n'avons pas de médecin de famille et même si on nous a dit de nous inscrire au CSSS de notre région, mon mari l'a fait en mars dernier et nous n'avons jamais eu de retour.

      Pour l'aspect économique... attendons de voir ce qui va arriver à nos voisins (d'ici quelques heures). Nous dépendons tellement d'eux pour nos exportations que s'ils sombrent à nouveau en récession, nous allons y goûter nous aussi.

      Pour ce qui est des emplois, je suis en RH dans la fonction publique; quand tu entends un gestionnaire dire, en regardant un CV : « Moi, les gens qui viennent d'aillleurs, ça m'intéresse pas », alors tu te dis qu'entre la belle propagande du BIQ et la réalité sur le terrain, il y a un fossé énorme !

      Supprimer
  3. Je suis québécoise et j'adhère à presque tout ce que vous écrivez. Le Québec a de belles qualités, mais de gros défauts aussi. Votre portrait est vraiment celui du Québec que je connais. Bonne continuation :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Nancy pour ce bon compte-rendu! Souvent je me pose la question: "avons-nous été trop durs, trop intolérants envers la belle province ou sommes nous simplement clairevoyant?". Ton commentaire en tant que québécoise apporte un éclairage nouveau sur le Québec qui conforte notre ressenti.
      Si on nous avait dit toute la vérité sur la réalité du terrain, on aurait été mieux préparé au choc culturel et sans doute aujourd'hui on serait encore là. Mais la désinformation est telle que notre déception est trop forte pour revenir.

      Supprimer